L’année 2020 est le centenaire de naissance de Mohammed Dib (21 juillet 1920 Tlemcen- 2 mai 2003 dans son appartement de La Celles-Saint-Cloud à l’âge de 82 ans). Vu la pandémie et la crise sanitaire, les rendez-vous littéraires autour de l’écrivain consacré sont reportés à des dates ultérieures.
Mohammed Dib est romancier, poète, nouvelliste, conteur, essayiste, il est considéré comme l’un des pères fondateurs de la littérature algérienne et maghrébine d’expression française. Il a laissé derrière lui une œuvre prolifique, multiple, d’une portée universelle.
Mohammed Did commence à écrire au lendemain de la Seconde guerre mondiale.
Sa carrière d’écrivain est répartie en plusieurs temps : la période coloniale, la période de décolonisation avec la lutte de libération nationale, celle de l’indépendance et post indépendance.
« Vers les années 1935-1936, dans la fausse tranquillité qu’avait fait naître la célébration du centenaire de la Conquête, les circonstances et le voisinage géographique facilitèrent la rencontre d’un certain nombre d’écrivains que l’on regroupa, un peu arbitrairement, sous le terme d’école méditerranéenne. Autour d’un éditeur audacieux, Edmond Charlot, et d’un amoureux passionné de la chose écrite, le Berbère Jean Amrouche, quelques jeunes gens entrent en scène, Emmanuel Roblès, Albert Camus, Jules Roy, Claude de Fréminville, quelques poètes et peintres, René-Jean Clot, Galliéro. Mis à part Roblès, déjà tourné vers les réalités sociales et politiques, cette ‘école’ peut se caractériser par deux tendances. D’une part, bien qu’inspirée par l’Algérie natale, elle parle et écrit, non pour le pays d’origine, mais pour la métropole, cette France littéraire de Gide et de Valéry dont elle subit la prestigieuse influence. Dans l’euphorie du moment, exception faite de quelques reportages et articles journalistiques, elle ignore le plus souvent le poids de la présence d’une autre réalité, celle d’un peuple colonisé, muet et souffrant, préférant s’intéresser, dans le sillage de Malraux, au drame plus intellectuel et plus européen du peuple espagnol. D’autre part, inspirée par le littoral, par sa vie prodigieuse, ses véhémences et ses couleurs, elle se donne pour référence et pour mesure, non le pays profond mais la mer, cette méditerranée ancestrale, source d’échanges et de civilisations. C’est le Camus de Noces. Joie sensuelle, absence de métaphysique, vigueur et netteté, poids des jours et des saisons, lyrisme et retenue, littoral privilégié par rapport à l’arrière-pays, références à la Grèce, l’Espagne, l’Italie, tels sont les principaux éléments de cette littérature solaire visitée par les dieux. »*
*Jean Pélégri, «Les Signes et les Lieux. Essai sur la genèse et les perspectives de la littérature algérienne», dans Jean Pélégri, le scribe du caillou de Dominique Le Boucher, Marsa éditions, Juin 2000, p.304.)
Mohammed Dib et sa relation avec Albert Camus.
L’écrivain a gardé des souvenirs avec des écrivains de son temps, il évoque Camus.
« Je me souviens d’une conversation dont le thème était la justice. C’était à Sidi Madani. Nous logions dans un hôtel transatlantique dans la Vallée du ruisseau des singes encadrée par des collines. Nous sommes montés d’un mouvement spontané pour nous isoler. La discussion a tout de suite porté sur le mot « justice ». C’était en 48. Et moi, avec l’intolérance de la jeunesse, j’étais un tenant de la justice à tout prix. Cette conversation était donc sans fin. Et elle a continué à Paris, puis à Alger en 50. Camus était venu en traction avant noire pour aller boire un pot en face de la faculté d’Alger. Il m’emmena déjeuner avec lui à Tipasa. Je découvrais ce Tipasa inhabité, ses prairies fleuries. Il me quitta un instant, il entra dans une baraque qui était un boui-boui où il avait commandé notre déjeuner : un grand poisson à la tomate et aux herbes. Le plus beau moment fut lorsque nous étions sortis, le soleil tombait d’aplomb. Et voilà qu’il remarque un vestige d’une ruine romaine de 80 cm de long. D’un bond, Camus est dessus et danse tout le long du mur les bras écartés. C’est une des plus belles images que je garde de lui. »*
« La grande maison de l’écriture » entretien avec Salim Jay, entretien diffusé sur FranceCulture, émission « A voix nue », mai 1997. Des extraits en ont été publiés dans le numéro spécial consacré à Dib par Horizons maghrébins, n°37-38, 1999, p.65.
Préface de Louis Aragon.
En 1961, «Ombre Gardienne », le premier recueil de poèmes de Mohammed Dib est publié, préfacé par Louis Aragon : « J’imagine Mohammed Dib d’après moi. Comment autrement m’y prendre ? Puis-je de mes yeux français saisir la naissance de la poésie algérienne ? Le roman, toujours, le conte, la nouvelle, c’est comme une invitation au voyage : j’entre avec l’auteur dans son Algérie inconnue. Mais le poème ? Nécessairement allusif, chargé d’un potentiel étranger, de tout ce que l’économie des mots suppose d’une réalité que le poète partage avec d’autres que moi. Je surprends leur conversation, les gestes pour eux familiers qui résument, et je suis étranger au-dedans de ce grand secret collectif. »
Did est présenté comme un exilé, à cette question, il répond lors d’un entretien. Votre nom revient souvent dans les travaux de recherche sur l’exil dans la littérature maghrébine. Votre exil est-il celui d’un homme politique, d’un travailleur émigré ou d’un intellectuel ?
« Ma réponse est très simple : mon exil est celui d’un travailleur émigré. Après l’indépendance, je n’ai pas trouvé ma place dans mon pays malgré les promesses et les démarches. J’avais une famille à ma charge, il fallait bien qu’elle vive. J’avais proposé l’édition de mes livres en Algérie. Les contrats existent, certains remontent à 1965, d’autres plus récents, à 1979 et 1981. »
« Entretien réalisé par Mohamed Zaoui (1998) » La rédaction
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