Rachid Mimouni : « Notre fureur d’être »
Dans cette rubrique, on en parle encore, une envie de ressortir des écrits du terroir des auteurs bien confirmés ou hautement considérés.
La consultation de la défunte revue Promesse, lancée en avril 1969 et au sein de laquelle nous sommes allés puiser nos textes, constitue sans conteste pour la culture algérienne un véritable vivier de plumes en herbe, se rapportant à l’époque considérée. Dans ce numéro de L’ivrEscQ, figurent deux textes (des nouvelles) écrits par ces toutes jeunes plumes nommées Rachid Mimouni et Outoudert Abrous, ayant respectivement pour titre : Notre fureur d’être et Un cri dans la nuit.
Dans son numéro 19 (janvier-février 1974), la revue Promesse présentait à son public quelque quatre nouvelles dont celles ayant pour auteurs Rachid Mimouni et Abrous Outoudert, et près d’une dizaine de poèmes, tous œuvres de plumes algériennes en herbe. Au moment où Outoudert Abrous, l’auteur-amateur d’autrefois et l’actuel directeur de la rédaction du journal Liberté titrait sa nouvelle par Un cri dans la nuit, Rachid Mimouni, la toute jeune plume des années soixante-dix du siècle dernier, le faisait, lui, au travers de celui de Notre fureur d’être. À cet âge-là déjà, Rachid Mimouni était un grand. Un grand artiste, si je puis dire. Son texte était tissé dans un langage très correct, châtié, raffiné, maîtrisant de bout en bout le sujet abordé. À peine les premières phrases avalées, et c’est donc manifestement le lecteur qui est déjà pris dans le labyrinthe littéraire, dérouté, kidnappé avant même que les fourrés de la trame ne soient connus. Succulent à souhait, le style du jeune auteur annonce déjà la couleur, dévoilant au passage l’immense marge de progression de cette plume en herbe qui allait rapidement mûrir au fil des saisons et au fur et à mesure de ses magnifiques textes devenus très prolifiques. À la lecture de la nouvelle, la troisième du genre à être publiée grâce au même support culturel et d’information, Promesse, en l’occurrence, après celles contenues dans les numéros 16 et 17, on est comme happé par le talent naissant de l’auteur et la stature en devenir de sa très prometteuse carrière littéraire. Au premier abord, on est malgré nous embarqué à bord de ce « navire dansant doucement dans les eaux du port ». Et déjà, en face de nous, il y a cet «Alger qui brillait de toute sa blancheur».
Outoudert Abrous : « Un cri dans la nuit »
Ce cri de la nuit raconte les préparatifs et le déroulement de la cérémonie d’une nuit de noces, célébrée comme le veut la tradition. Il s’agit d’un mariage arrangé où sans même se connaître, le couple s’unit, faisant souvent l’impasse sur l’amour pour élever la «violence conjugale» dans un monde qui fait l’éloge du mâle et rabaisse le statut de la femme. La tradition ne retient donc de cette nuit de noces que «l’étendard-symbole» de cette «nuit d’horreur» subie à la toute jeune mariée, dont le sang vaginal sauvera l’honneur de toute une tribu. On éprouvait alors cette joie immense de hisser très haut ce petit bout de tissu tacheté du sang d’honneur, tel un vrai étendard au milieu d’une foule compacte qui danse et chante une virilité à toute épreuve du mâle, bien loin de toute cette intimité du couple et de vie humaine. Durant les premières décennies de l’Algérie indépendante, au douar, à la campagne, ou dans les déchras, ces fêtes se déroulaient ainsi. La fête n’avait de sens qu’avec la levée de «ces couleurs nocturnes» où dominait le blanc du bout de tissu maculé de sang. Fallait-il déranger les mœurs pour pénétrer dans l’intimité du couple comme l’impose ce folklore de mariage traditionnel ? Avoir l’honneur annoncera de facto l’attente du futur nouveau-né, sexe masculin, juste après quelques mois plus tard (…)
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