Après la chute de la ville de Grenade, en janvier 1492, toute vie musulmane disparut de la terre d’Espagne. Du moins, c’est ce qu’on croyait.
Moi aussi je regardais les anciens minarets, la Giralda de Séville ou le magnifique château de l’Alhambra comme les témoins des temps révolus. Mais, les civilisations ne meurent pas tout à fait et l’arbre qui a été vigoureux se renouvelle toujours à travers de jeunes et tremblants bourgeons. Ainsi, le latin, langue de l’Empire romain, survécut, renouvelé et avec une autre personnalité, dans les diverses langues romanes qui en sont dérivées.
Je suis passée par Grenade, une halte sur mon chemin vers «La Alqueria de Rosales », (La ferme des Rosiers). Grenade est attachante, avec l’animation de ses rues et de ses terrasses, pour boire un café au lait, ou de ses restaurants qui offrent la bonne cuisine andalouse.
Au-delà de ses monuments et du vieux quartier de l’Albaicin j’ai voulu rencontrer ce que le temps avait préservé de la ville musulmane. Grenade, dont le nom est associé au palais de l’Alhambra, est née sur la colline de l’Albaicin, ancien site qui a servi de forteresse aux Ibères et plus tard aux Romains.
Mais, avant l’arrivée des Romains, c’est une communauté de juifs qui avait trouvé refuge dans cet endroit, bâtissant une forteresse qu’ils nommèrent «Granada». Quand les musulmans occupèrent l’Espagne, ils se sont installés de l’autre côté du fleuve Darro et appelèrent la citadelle de la colline d’en face «Garnata-al Yahud». La ville arabe grandit et un jour les deux sites se fondirent en une seule ville et le nom de Garnata ou Granada est resté pour toujours. Au Xlllème siècle Muhammad Ben Youssef Ben Nasr a fondé l’émirat Nasri et la ville de Grenade est devenue la capitale de l’Emirat. C’était la cité la plus riche et la plus importante du pays d’Al Andalous et elle a su montrer la splendeur de sa civilisation avec la construction, sur l’emplacement de l’ancienne forteresse des juifs, d’une résidence fortifiée. Cette résidence est constituée d’une suite de magnifiques palais d’une beauté incomparable et de jardins où l’esprit retrouve un semblant de paradis. Cette résidence : c’est l’Alhambra !, «Qalat-al Hamra », le Château Rouge, l’oeuvre par excellence du royaume nasride ( ou nazari) qui fut le dernier territoire islamique d’Al Andalous (1237-1492).
J’ai cherché, donc, la ville musulmane et je n’ai trouvé que des restes éparpillés: la vieille porte Elvira, un pan de muraille ou l’édifice de la Halle au blé de l’époque nasride. Les églises et les palais du style de la Renaissance avaient remplacé les maisons de l’époque andalousienne.
Sur le chemin de «l’Alqueria de Rosales», qui se trouve à 180Km au nord-ouest de Grenade, la route passe à proximité de la ville de Baza. Sa cathédrale garde encore le minaret de la Grande Mosquée. On peut, également, admirer deux maisons morisques exhibant avec fierté leur long passé.
Finalement on arrive à l’Alqueria par un étroit chemin campagnard, entouré d’une végétation rustique. En réalité, quand on dépasse la porte, on se trouve à la Faculté d’études d’Andalousie et à la Fondation culturelle de Azzagra (www.azzagra.com). Ici on parle et on écrit l’arabe et l’espagnol. La faculté attire beaucoup de gens de tous les horizons et de tous les lieux pour des rencontres et des débats sur les sujets concernant la civilisation islamique, le soufisme, le dialogue entre les cultures, les Droits de l’Homme etc.
Niché entre des collines agrestes, s’élève un ensemble de constructions aux couleurs claires, de style simple et de bon goût. L’architecture devient plus raffinée du côté de la mosquée qui est un véritable bijou. L’ensemble est agrémenté d’une pelouse et de rosiers.
A l’intérieur de la construction principale il y a une salle de conférences, des salles de classe, une cantine et le bureau du directeur, Antonio Romero Román, surnommé Abd-As-Samad. Dans un pavillon tout proche se trouvent des chambres pour les personnes de passage.
Plus que cette ambiance de liberté et de paix, de convivialité et d’études la surprise la plus agréable nous vient de la connaissance de l’important travail de traduction, de recherche et d’édition réalisé ici. Voici quelques titres: «Le divin gouvernement du royaume humain» par Muhyiddin Ibn Arabi, qui a été traduit et édité.
Traduits et édités aussi l’oeuvre de Abdulqadir Al Djilani : «Sentiers d’éternité», et «Tasawwuf. Introduction au Soufisme», par Abderrahmane Mohamed Maanan.
Dans ce centre culturel ont été également édités des livres sur «L’ Histoire Générale d’Al-Andalous», sur les Morisques et les Mudéjars et leurs prières en langue «aljamiada» (en langue espagnole, mais en caractères arabes), sur la religion islamique…
J’ai eu l’opportunité de connaître deux magnifiques personnes, jeunes, dynamiques et pleines de vie, passant de longues heures à traduire des livres anciens, âgés de plusieurs siècles.
Adiba Romero, Espagnole, a traduit et édité «Abana, Rihla», récit d’un voyage le long d’une boucle du fleuve Niger et à travers les déserts du Sahara, en quête d’un rêve appelé Al-Andalous. Abana était le descendant d’Ali Ben Ziyad Al-Quti, de Tolède, qui avait quitté sa ville natale après un affrontement entre juifs et musulmans contre des vieux chrétiens. Au temps du royaume Peul de Masina, la famille d’Ali B. Ziyad, les Kati ou Quti, ont dû se cacher à cause de leur origine, et pour sauver leur bibliothèque, ils ont dû disperser les manuscrits. Quelque temps plus tard, Abana rassemble les manuscrits du patrimoine familial et les envoie chez elle, au village Gundam, près de Tombouctou. Elle entreprendra son voyage, plus tard.
Pablo Salazar Cabrera -Chilien surnommé Qacim- est en train de traduire un ouvrage sur le philosophe, historien et poète du Xlème siècle, Ibn Hazem appelé: «Ibn Hazem et son apport à l’histoire et la culture», du Dr. Abdul Halim Awis.
Entourant cette ambiance studieuse, le chant des oiseaux et des cigales, la variété des couleurs déployée par la nature, et le souffle du vent se complètent pour créer des moments de véritable bonheur.
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